Syrie: quelles perspectives ?

Publié le 12 Décembre 2015

Le conflit syrien, qui entrera selon toute probabilité dans sa cinquième année au printemps prochain s'est encore complexifié avec l'intervention russe et les attentats de Paris. La destruction d'un avion russe par la Turquie le 24 novembre rend excessivement compliquée toute coalition large contre l'Etat Islamique.

La stratégie de Vladimir Poutine d'aider Assad à reconquérir le pays semble assez peu réaliste (ou plutôt mise en œuvre trop tard vu les pertes et les revers du régime). Reste en tout cas que le Kremlin retrouve dans la région une influence sans précédent depuis l'expulsion des conseillers soviétiques par Sadate et que la domination exclusive américaine appartient désormais au passé. Ironiquement, la prise en main du conflit par les Russes tend à diminuer relativement le rôle de l'Iran.

Cette nouvelle donne n'est toutefois pas forcément encourageante dans une perspective de règlement du conflit syrien et encore moins dans celle d'un règlement à l'échelle régionale. L'augmentation exponentielle du nombre d'acteurs et d'intérêts engagés militairement en Syrie augmente mécaniquement les chances d'embrasement autant qu'elle diminue celles d’un règlement du conflit.

En réalité le conflit syrien est l'un des fruits empoisonnés d'un processus de wahabbisation rampante de l'espace arabo-sunnite rendu possible par l'afflux des pétrodollars dans les monarchies du Golfe après le choc pétrolier de 1973, ce qui explique aussi que la différence idéologique et religieuse entre l'Etat Islamique et l'Arabie Saoudite ne soit pas plus épaisse qu'une feuille de papier.

Autre aspect majeur du conflit : la question des minorités et en particulier des Alaouites. Celles-ci craignent très justement d'être au mieux marginalisées, au pire physiquement éliminées par la majorité sunnite si le régime tombe.

Si la Syrie devait jamais retrouver un semblant de paix et d'unité cela devrait obligatoirement passer par un système constitutionnel reconnaissant la pluralité religieuse et culturelle du pays et la neutralité religieuse de l'Etat. Ni l'islamisme sunnite appuyé sur le fait démographique majoritaire ni le nationalisme bassiste qui faisait office d'idéologie officielle du régime Assad n'apparaissent pas comme des alternatives crédibles.

Malheureusement, nous sommes encore très loin d'un quelconque règlement d'autant plus que le discours actuel réduit le problème syrien à la destruction militaire de l'Etat Islamique voir au départ d'Assad. Aucune perspective positive ne semble se dégager pour le moment, espérons toutefois que cela ne dégénère pas vers une désintégration générale de la région.

Rédigé par Jean-Manuel Lagier

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