La Turquie, Israël, et les équilibres régionaux.

Publié le 23 Décembre 2015

C'est donc le (quasi) épilogue d'une crise débutée en juin 2010 avec l'affaire du Navi Marmara. La Turquie et Israël s'apprêtent donc à renouer diplomatiquement, reprenant le cours d'une relation remontant à la création de l'état hébreu mais qui débuta réellement en août 1958 à l'instigation de leurs chefs de gouvernnement respectifs David Ben Gourion et Adnan Menderes (ironiquement le premier dirigeant « islamiste » de l'histoire de la Turquie moderne).

Tout n'est certes pas encore réglé et un incident de dernière minute pourrait encore faire capoter l'affaire. Reste que ce retournement est révélateur d'une tendance lourde : le rapprochement entre eux de deux Etats puissants mais isolés.

Les conséquences devraient se faire sentir en premier lieu en Syrie, car ce pays était l'objet implicite mais bien réel de l'alliance israélo-turque au moins jusqu'à la rupture du régime Assad avec le PKK. Tant la Turquie qu'Israël ont intérêt à tenir à distance l'influence iranienne en Syrie, de ce point de vue, leur statut de premières puissances militaires régionales ainsi que la "tenaille" géographique qu'elles constituent ensemble sont des arguments de poids.

Le facteur russe reste cependant essentiel, et c'est là que les limites apparaissent. La Turquie est sévèrement brouillée avec la Russie depuis la destruction d'un Sukhoï russe le 24 novembre et le clash des egos entre Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine n'arrange pas les choses, encore que le maître du Kremlin soit de loin le plus fin stratège.

D'un autre côté, en dépit des divergences d'intérêts entre leurs pays, Benjamin Netanyahu et Vladimir Poutine ont développé une relation apparemment cordiale voir complice, alimentée par leur commun mépris pour la pusillanimité des dirigeants américains et européens. D'autres facteurs jouent, et il n'est pas inutile de rappeler qu'Israël est en proportion le plus important pays russophone au monde hors ex-URSS. La conversation bilatérale russo-israélienne qui vient de se tenir après l'élimination de Samir Kuntar illustre clairement cet état des choses.

Si la réconciliation avec la Turquie aboutit totalement, se pourrait-il alors qu'Israël tente de pousser son avantage diplomatique en organisant une réconciliation entre Moscou et Ankara ? Ce scénario reste très théorique et il ne semble pas que Benjamin Netanyahu ait l'envergure nécessaire ou même le désir d'accomplir une telle médiation. Le jeu en vaudrait pourtant la chandelle pour l'Etat Hébreu qui n'a jamais possédé jusqu'à présent un quelconque soft power dans la région.

Quoiqu'il en soit, toutes les possibilités et retournements restent ouverts !

Rédigé par Jean-Manuel Lagier

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